Le plus ancien des fromages normands
Né au cœur des bocages du Pays de Bray, cette pâte molle lactique, au lait de vache et à croûte fleurie, est le plus ancien des fromages normands. En effet, il en est déjà fait mention dans des écrits datant de 1035 ! Les paysans brayons perpétuèrent la tradition des « bondons » et des « angelots » (autre appellation des cœurs à l’époque) tout au long de ce millénaire. Ils utilisèrent les ressources de cette terre normande où les vaches produisent un lait si crémeux. Ils disposaient aussi de caves exceptionnelles où fleurit naturellement une souche particulière de moisissures, un Pénicillium qui donne sa couverture veloutée au fromage et contribue à son goût spécifique.
Les jeunes filles offraient des coeurs aux soldats anglais
Les Anglais apprirent à apprécier le neufchâtel au cours des nombreux échanges, le plus souvent guerriers, qui les opposèrent aux Normands durant le Moyen-Age. Cependant, la population avait fraternisé avec l’occupant. Ainsi, les jeunes filles offraient des cœurs aux soldats anglais pour leur manifester leurs sentiments.
Il faut attendre plusieurs siècles avant de retrouver un document mentionnant ce fromage. Vers 1543-1544, pour la première fois, le fromage de Neufchâtel est cité nommément dans les comptes de l’abbaye de Saint-Amand, à Rouen.
Sous Louis XIV, l’assèchement de nombreux marécages de la région permet une forte augmentation du nombre de bovins. Ceci, associé à l’introduction de la race normande, donne à la production laitière (et donc fromagère) un essor important. Dès cette époque, il est présent sur les marchés parisiens.
Au XVIIIème siècle, sa renommée s’étend à toute la Normandie et même à l’étranger. Il est très réputé de l’autre côté de la Manche. L’abbé de Marolles le classe en bonne position dans sa liste des fromages de France les plus célèbres.
C’est au XIXème siècle qu’il connaît son apogée. Le premier consul Bonaparte, en visite dans la région, se vit offrir un panier de ces fromages.
Vers 1870, la production s’intensifie. Un fermier, Isidore Lefebvre, qui n’arrivait pas à satisfaire la demande, eut l’idée de collecter les pâtes prêtes à être moulées et de les affiner dans les caves de sa fromagerie de Nesle-Hodeng. À la suite de ces herbagers-collecteurs-affineurs apparaissent, au début du XXème siècle, des collecteurs-affineurs, telle la fromagerie Lhernault qui fabrique encore aujourd’hui à Neufchâtel. Le savoir-faire des fermiers ne s’est pas perdu pour autant. Ils sont encore plusieurs dizaines à transformer eux-mêmes leur lait.
Et depuis la deuxième Guerre Mondiale ?
La production a bien diminué. Nombre d’éleveurs laitiers ont en effet préféré livrer leur lait aux laiteries (Gervais, Coopérative Beurrière d’Aumale, Picault). Cependant, pour assurer sa notoriété et son identité, le neufchâtel bénéficia, avec d’autres fromages, d’un label de qualité suite à un arrêté de 1949. Mais ces labels sont annulés en 1953. C’est pourquoi, afin de soutenir et développer la production, le Comice Agricole de l’arrondissement de Neufchâtel créa en 1957, le Syndicat de Défense du Label de Qualité du Fromage de Neufchâtel. Celui-ci obtint l’Appellation d’Origine Contrôlée par le décret du 3 mai 1969, puis l’Appellation d’Origine Protégée (label européen) en 1996 protégeant ainsi le neufchâtel de toute imitation en France et à l’international.